Retrait par le maire de Poitiers de son arrêté interdisant les produits phytosanitaires à moins de 150 mètres des bâtiments : l’imbroglio des arrêtés municipaux anti-pesticides
Published on :
10/10/2019
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Tribunal administratif de Rennes, Ordonnance du 27 août 2019, n°1904033
Emboitant le pas à près de 55 communes sur l’ensemble du territoire français, le maire de la commune de Poitiers a pris un arrêté visant à interdire l’utilisation des produits phytosanitaires à moins de 150 mètres des bâtiments sur son territoire.
Toutefois, fort de la pression exercée par la Préfète, le maire a fait le choix de procéder à ce retrait.
Pour quel motif ? Le principe de libre administration des collectivités territoriales, les pouvoirs de police générale détenus par le maire et le principe constitutionnel de précaution ne permettent-ils pas au maire de pouvoir restreindre l’usage des produits phytosanitaires sur le territoire de sa commune ?
Il est utile de revenir sur l’épisode de l’arrêté du 18 mai 2019 du maire de Langouët portant restrictions des produits phytosanitaires sur le territoire de sa commune, qui a été suspendu par le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes, par une ordonnance du 27 août dernier, dans l’attente du jugement au fond, qui devrait être rendu dans quelques jours.
Le juge des référés rappelle que si le maire est responsale de l’ordre public et doit prendre les mesures de police générale nécessaires au maintien du bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publique, il ne peut pas s’immiscer par l’édiction d’une réglementation locale dans l’exercice de police spéciale, que le législateur a organisé à l’échelon national et a confié à l’Etat.
Il ajoute que le principe de précaution ne saurait avoir pour objet, ni pour effet de permettre à l’autorité publique d’excéder son champ de compétences et d’intervenir en dehors de ses domaines d’attribution.
Le juge rappelle que dans le domaine des produits phytosanitaires, la police spéciale relève de la compétence des Ministres de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation, ainsi que du Préfet.
Dès lors, seules ces autorités peuvent prévoir l’interdiction ou l’encadrement de l’utilisation de ces produits dans des zones particulières et notamment dans les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables.
Malgré la déception que certains pourraient ressentir face à cette décision, il ne faut pas occulter un des éléments importants de cette ordonnance. En effet, le juge rappelle également que le Conseil d’Etat a récemment annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants, visés par l’article L. 253-1 du CRPM, au motif qu’il ne prévoit pas des dispositions destinées à protéger les riverains, qui sont regardés comme des « habitants fortement exposés aux pesticides sur le long terme ». Il a, par ailleurs, enjoint au Ministre de prendre des mesures réglementaires en ce sens dans un délai de 6 mois.
Ainsi, si le juge administratif n’a pas entendu contester les risques de ces produits sur la santé, mais a uniquement rappelé le partage de compétences en ce domaine.
Si ces arrêtés municipaux anti-pesticides semblent illégaux, ils permettent, néanmoins, de maintenir la pression sur l’Etat dans l’attente des mesures qu’il devra prendre suite à la décision du Conseil d’Etat le 26 juin 2019.
Retour début 2020 pour voir si ces promesses ont été tenues.
Lise LEEMAN, Avocat Associé, spécialisé en Droit public
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