Petite méthodologie offerte par la Cour de cassation sur la sécurisation des forfaits jours
Published on :
05/12/2019
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Le contrôle opéré par la Cour de cassation sur les dispositions conventionnelles de branche applicables aux forfaits jours s’est particulièrement renforcé depuis le début des années 2010, notamment du point de vue des garanties offertes pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés (suivi et amplitude de la charge de travail, …).
Plusieurs conventions collectives de branche étaient, sur ce point, loin de répondre aux exigences fixées par la Cour de cassation, d’où le nombre conséquent d’avenants de révision signés au cours des dernières années par les négociateurs de branche.
La question se posait toutefois de savoir si les modifications opérées par la branche étaient ou non directement applicables aux conventions individuelles de forfait en vigueur au moment de la modification sans qu’il soit nécessaire de faire signer de nouvelles conventions aux salariés concernés.
La loi Travail n°2016-1088 du 8 aout 2016 a apporté une réponse à cette question, en permettant de réviser les dispositions conventionnelles de branche pour les mettre en conformité avec les exigences posées par la Cour de cassation, sans exiger en parallèle la signature d’un avenant au contrat de travail. On a ainsi pu évoquer en pratique l’idée de « sécurisation » des forfaits jours grâce à cette loi.
Toutefois, la Cour de cassation a apporté une importante précision quant à la portée de cette sécurisation, en jugeant, dans un arrêt du 16 octobre 2019 (cass. soc. 16 oct. 2019, n°18-16.539), que ces dispositions de la loi du 8 aout 2016 n’étaient applicables que pour les avenants conventionnels de révision postérieurs à celle-ci. Ainsi, la sécurisation des forfaits jours ne s’applique pas aux dispositions conventionnelles révisées avant la loi Travail.
Dans le cas d’espèce, un salarié disposait d’une convention individuelle de forfait jours datant du 12 avril 2011. Un avenant de révision au niveau de la branche (notamment pour mettre en conformité les dispositions conventionnelles avec les exigences fixées par la Cour de cassation) avait été adopté le 16 décembre 2014 (étendu le 29 février 2016). Dans la mesure où cette révision conventionnelle était antérieure à l’entrée en vigueur de la loi Travail, elle ne pouvait valider la convention de forfait préexistante du salarié. Ce dernier aurait dû se voir proposer et signer une nouvelle convention de forfait, pour que ce dispositif puisse continuer à régir l’organisation de son temps de travail. Le salarié a par conséquent obtenu l’annulation de sa convention individuelle de forfait jours.
Rappelons qu’en cas de nullité d’une telle convention, les conséquences sont importantes pour l’employeur : rappel de salaire sollicité par le salarié au titre d’heures supplémentaires, redressement URSSAF sur les cotisations sociales liées à ce rappel de salaire, risque de reconnaissance de travail dissimulé, …..
Cette jurisprudence doit amener les employeurs à vérifier le contenu et la date des dispositions conventionnelles qu’ils appliquent en matière de forfait annuel en jours, pour s’assurer de la validité des convention individuelles signées avec leurs salariés, mettant en application ce mode de gestion du temps de travail.
Sébastien Mayoux, Maitre de conférences, Consultant secteur social conseil